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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Introduction

Cet outil a été conçu pour des situations de conflits d’intérêts avec forte asymétrie de pouvoir. Il décrit le processus nécessaire pour construire les conditions d’une négociation entre deux parties fortement inégales. Processus qui rend possible une conciliation juste des intérêts en contradictions à même d’apaiser le conflit.

L’escalier à quatre marches est utilisé par le ReAct dans les conflits socio-économiques entre filiales de grandes entreprises multinationales et populations riveraines. L’objet du conflit est en général l’usage des terres arables ou la redistribution des richesses produites à partir de ces terres. Développé dans ce type particulier de contexte, il peut servir dans tous les conflits opposant un acteur dominant homogène et une multitude désorganisée de personnes dont les intérêts sont écrasés.

L’image de l’escalier à quatre marches est un outil au service des leaders de groupes sociaux dont l’intérêt est dominé. Il est d’abord une figure pédagogique utilisée par les leaders locaux pour faire partager parmi leurs communautés la nécessité d’organisation collective et une stratégie générale de défense des intérêts par la négociation. En cela, il a été conçu moins comme un outil d’analyse rétrospective d’une situation conflictuelle que comme une manière de synthétiser une démarche stratégique pour les acteurs de la partie dominée du conflit.

Dans une situation de conflit socio-économique asymétrique, l’escalier à quatre marches s’inscrit en fait comme une troisième voie de résolution du conflit en réponse à deux impasses.

  • La première impasse est au bout de la voie des illusions. Elle suit un itinéraire le long d’une stratégie naïve qui recherche la bienveillance de la partie adverse du conflit. Il s’agit de faire appel à sa bonté pour sacrifier une partie de son intérêt pour le bienfait des populations. La rationalité économique et les contraintes gestionnaires de l’adversaire le rendent souvent sourd à un langage de la charité et de la morale traditionnelle.
  • La seconde impasse est au bout de la voie des colères aveugles. Emprunté le plus souvent à la suite de l’échec de la première, elle résulte de l’exaspération des dominés et s’exprime en explosions sporadiques de violences (émeutes, agressions). « Ils nous méprisent depuis trop longtemps, on va frapper un bon coup, et ils verront qu’on ne se laisse pas faire ». Cette voie-là est souvent une impasse du fait de la faiblesse stratégique des coups portés mais surtout de la méconnaissance de la logique de négociation. L’absence d’interlocuteur valable, le caractère sporadique des actions, l’efficacité de la répression, autant de facteurs qui conduisent l’adversaire à ne pas privilégier la voie de la négociation.

L’escalier à quatre marches est donc conçu comme une troisième voie à même de pallier les limites des deux impasses :

  • Pas de négociation sans pouvoir, répond-il à la première impasse.
  • Pas d’action sans perspective de négociation, répond-il à la seconde.

C’est l’ensemble de ce dispositif (L’escalier et les deux impasses) qui constitue une grille d’analyse des conflits entre entreprises et populations. Il permet de situer les stratégies plus ou moins conscientes des leaders pour défendre les intérêts floués de leurs communautés. Il est prescriptif en cela qu’il promeut la troisième voie comme modalité de résolution du conflit en faveur des parties dominées.