Larbi Bouguerra, Paris, July 2007
Colloque au Caire : l’Afrique et nous… le Nil et la sécurité en eau
En présence du ministre des ressources hydriques et de l’irrigation, Mahmoud Abouzaïd, le colloque organisé par le plus grand quotidien égyptien - et le plus vieux du monde arabe - « El Ahram », a traité du bassin du Nil et de l’importance de l’eau de ce fleuve pour l’Egypte… qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la paix entre les dix pays riverains du Nil et garder l’eau qui lui a été consentie par le traité de 1959.
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Ref.: Mahmoud Merad, « L’Afrique et nous…le Nil et la sécurité en eau », El Ahram (en langue arabe), 08 mars 2007, p. 36.
La goutte d’eau est la Vie et, à l’avenir - à en croire les experts en futurologie et en stratégie - il est possible que des guerres éclatent pour le contrôle des ressources hydriques. Et, à cet égard, on re-découvre que l’Afrique est, à nouveau, convoitée par de nombreuses puissances pour l’abondance de ses eaux. Mais, si l’étranger a réussi, au cours des XVIIIème et XIXème siècles et même jusqu’au milieu du XXème siècle, à épuiser ses ressources d’abord en hommes puis en or et en pierres précieuses, il lui sera difficile de rééditer le coup en dépit des manœuvres de séduction au moyen des visites des chefs de grands Etats aux pays africains ou par des tentatives pour interférer dans les affaires intérieures en utilisant des prétextes tels que s’entremettre pour aplanir des différents ou instaurer les droits humains. Mais la conscience africaine croit fermement que ces gens nourrissent des buts inavoués visant des trésors représentant les ressources d’aujourd’hui : l’uranium, le pétrole, les minerais… et avant tout, l’eau… qui confère la Vie. L’Egypte est un pays africain dont l’intérêt pour l’eau n’a pas d’égal dans le monde entier et pour lequel la bonne gouvernance et le respect de l’eau sont primordiaux. Les anciens Egyptiens, sous les Pharaons, ont sacralisé l’eau. L’eau ne manquait pas à cette époque et pourtant le Nil a été divinisé et, pour exprimer sa piété et son bon comportement, à cette époque, l’Egyptien disait qu’il ne polluait point le précieux liquide.
Pour les autorités, les priorités consistaient à nettoyer les voies d’eau, à construire des digues pour maîtriser les flux, à chercher de nouvelles sources et à établir des relations de bon voisinage avec les communautés et les peuples riverains. C’est ainsi que les Pharaons ont envoyé des caravanes, des expéditions vers les sources du Nil – le cas le plus connu étant celui de la reine Hatchepsout. Et ceci se poursuivit au cours des âges, dans un cadre d’amitié et de relations fraternelles qui se sont traduites par des traités dont le plus célèbre est celui de 1959 qui donne à l’Egypte 55,5 milliards de m3 et au Soudan 18,5 milliards de m3 sachant que le débit total du fleuve est 84 milliards de m3 dont 10 partent en vapeur et en infiltration. En fait, cette eau provient à 15 % des plateaux équatoriaux, du Nil Blanc, et 85 % des plateaux éthiopiens via le Nil Bleu. Mais ce chiffre de 84 milliards ne représente que 5 % des eaux des précipitations qui arrosent les deux rives. Il en résulte qu’il manque 95 % d’eau non utilisée. Plus fort encore, le volume d’eau des précipitations qui tombent sur les dix pays du bassin nilotique est de 7 000 milliards de m3 soit cinq fois plus que l’eau à l’intérieur du bassin du fleuve. Or, cette richesse se perd et les Etats doivent s’attacher à la récupérer et à l’utiliser en multipliant les projets. Mais, actuellement, affirment le ministre (égyptien) Abouzaïd et le ministre soudanais de l’irrigation Kamel Aly, on se concentre sur les eaux du bassin car on a adopté le dialogue, la concertation et la coopération fructueuse qui assurent des profits partagés aux pays riverains qui sont liés comme les doigts de la main. Ces pays ont des intérêts et des destins communs, l’avenir – positif ou négatif - d’un pays reflète celui de l’autre.
C’est pourquoi ces pays ont tous décidé de rédiger un traité complet pour la gestion et le partage des eaux du Nil. Les commissions techniques se sont attelées à la tâche en tenant compte de principes directeurs qui reflètent la volonté et la souveraineté de chaque pays d’abord et qui, ensuite, prennent en grande considération les droits acquis au moyen des accords antérieurs et n’y touchent absolument pas. On peut dire que 95 % des articles du texte sont déjà rédigés avec l’accord de tous. Restent 5 % qui seront traités prochainement, au Rwanda, par les dix ministres des ressources hydriques. On signera dans quelques mois cet accord historique au cours d’une cérémonie digne de lui.
Il va de soi, à cet égard, que l’Egypte joue un rôle important pour aider et soutenir les pays frères du bassin du Nil. Elle aide à la gestion de l’eau, à la construction d’œuvre d’art, de centrales hydroélectriques, de barrages, de fermes et donne des subventions. L’Egypte a aussi ouvert une Ecole régionale dans la Ville du 6 Octobre pour les ressortissants de ces pays pour former des cadres techniques et affermir les relations économiques, commerciales, culturelles…
L’Egypte a une politique de l’eau qui a trois orientations majeures :
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1. Tirer plus de chaque goutte d’eau.
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2. Eliminer la pollution et s’attaquer à ses racines.
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3. Coopérer avec les pays du bassin du Nil afin de le préserver et le développer.
Commentary
Ce texte est tout à fait révélateur de ce qui préoccupe le plus profondément les Egyptiens et il exprime leurs thèses fondamentales les plus connues concernant les eaux du Nil, thèses que répètent continuellement le gouvernement et ses diplomates… car ne l’oublions pas, ce pays est un don du Nil et, sans ses eaux, il serait désertique.
Les Egyptiens veulent bien coopérer, rédiger des traités, aider les pays riverains du Nil… mais ne veulent surtout pas d’une remise en cause des droits acquis… lesquels sont précisément contestés par certains.
En insistant lourdement sur les chiffres relatifs aux précipitations (on ne nous dit pas d’où ils viennent), l’article suggère qu’il y beaucoup d’eau perdue et que les pays riverains, au lieu de s’occuper de la part de l’Egypte des eaux du Nil, feraient mieux de récupérer cette énorme quantité perdue. L’Egypte, pour ce faire, est prête à les aider, à former des cadres… pourvu qu’ils lui laissent ses fameux droits acquis qui obsèdent apparemment le journaliste.
Quoi qu’il en soit, l’étape actuelle est encourageante : on discute et on étudie les travaux des experts et leurs recommandations.
L’avenir dira si le Traité sera bientôt signé dans quelques mois comme l’affirme ce journal cairote, très proche du pouvoir. La paix serait alors préservée dans le bassin.