Cyril Musila, Bassin du lac Tchad et Paris, July 2012
L’insécurité foncière transfrontalière
Une insécurité due à la compétition entre les communautés Kotoko et Arabes Choas et aux spéculations foncières dans le pourtour urbain du Logone-et-Chari.
Keywords: Security and peace | Cameroon | Tchad
Le secteur foncier est aujourd’hui l’objet de fortes pressions dans le Logone-et-Chari, plus particulièrement dans la ville de Kousséri. Cela découle notamment de la compétition entre les communautés Kotoko et Arabes Choas, qui se sont violemment affrontées en 1992, mobilisant leurs membres éparpillés dans les quatre pays. Les membres du premier groupe revendiquent une légitimité historique et se considèrent comme les propriétaires naturels de la terre du fait de leur ancienneté. Les seconds, démographiquement majoritaires, économiquement plus nantis, excipent quant à eux d’un droit d’accès à la terre. L’ouverture à la démocratisation leur a ajouté – vu leur poids démographique – un contrôle total sur les mairies.
Par ailleurs, depuis le début de sa production en 2004, le pétrole tchadien a créé une nouvelle classe de riches. À la recherche de nouveaux modes de consommation et désireux d’acquérir de nouvelles propriétés, ces derniers ont introduit et amplifié la spéculation foncière dans le pourtour urbain du Logone-et-Chari. Les ambitions foncières des Tchadiens les portent à rechercher des terres jusqu’à Maroua (à 300 km au sud à l’intérieur du Cameroun). Ces spéculations et surenchères s’accompagnent d’exactions vis-à- vis des populations moins nanties, d’escroqueries et de différents méfaits de type mafieux. Plusieurs cas de criminalité impliquant des Tchadiens et des Camerounais autour de disputes sur le parcellaire nous ont été détaillés par des autorités de Kousséri et de N’Djamena. Ces phénomènes ont pris de l’ampleur à la suite des événements de 2008 où les rebelles étaient entrés dans N’Djamena. Ils ont fait décupler le prix des terrains à Kousséri. Cette hausse touche également Maroua, Garoua ou N’Gaoundéré (Cameroun), où des Tchadiens n’hésitent pas à payer pour s’assurer un abri devant les incertitudes militaires de leur pays et parce qu’ils disposent des moyens de se procurer des terres.