Nathalie Cooren, Karine Gatelier, Claske DIJKEMA, Maureen CLAPPE, France, December 2015
Une variété de ressources, sélectionnées pour les idées qu’elles contiennent
Une sélection de personnalités, d’ouvrages, d’articles, d’émissions… pour tenter de décrypter les attaques terroristes de l’année 2015.
Languages: French
Scott Atran : L’homme qui a compris les terroristes », l’invité des Matins sur France Culture
« La contre-culture la plus dynamique en ce moment est l’État islamique. Il n’a pas encore une grande puissance matérielle mais il a la puissance spirituelle. »
Le 18 janvier, l’anthropologue américain Scott Altran était l’invité des Matins de France Culture, pour éclairer les questions suivantes :
« Comment devient-on terroriste et comment peut-on cesser de l’être ? Quelle anthropologie du terrorisme s’écrit aujourd’hui et peut-elle permettre d’enrayer ce phénomène mondial en l’expliquant ? Sommes-nous prêts à comprendre les racines du terrorisme pour aller au-delà du seul esprit de revanche, ou bien faut-il comme, Manuel Valls, penser qu’expliquer le terrorisme, c’est déjà un peu l’excuser? ».
Nous avons retranscrit une grande partie de l’entretien car il donne un avis complémentaire aux sujets abordés dans les articles, chaque fois en apportant un élément nouveau.
Scott Atran explique qu’aux marges de la société, dans les banlieues, les gens sont sensibles au message de Daech. « Prenons ces chiffres : 7% de la société française est musulmane et selon une lettre de Jack Lang (2012) elle représente deux tiers de la population carcérale. Dans ces milieux une idéologie révolutionnaire qui promeut gloire, aventure et bonheur est très attirante. (..) Nous savons que les groupes qui ont peu de pouvoir peuvent avoir un attachement idéologique quasi religieux, comme des mouvements transnationaux tels que le bolchevisme ou le national-socialisme. »
Caroline Fourest lui pose la question : « Contrairement à certains sociologues qui n’expliquent pas, leurs grilles de lecture sont bien trop réductrices pour ça et c’est bien leur problème, comment comprendre que le besoin de dépassement de l’individu, croire aux valeurs fortes et qui donnent du sens, ont de l’attraction dans le monde et pas uniquement dans les banlieues françaises ? »
Scott Atran : « Nous croyons que l’esprit et la raison sont naturels mais en réalité la raison est l’esclave de la passion. Les mouvements qui unissent des gens sont des éruptions volcaniques de passion et d’émotion. Dans notre société nous avons du dédain pour la gloire et l’aventure. Au lieu de proposer une mission transcendante alternative, nous essayons de prêcher pour des choses comme la modération qui n’intéresse pas la jeunesse. Nous oublions que l’État islamique, malgré le fait que la plupart de notre propagande le décrit comme étant un mouvement cruel, barbare, brutal, et ce qu’il est en effet, est aussi un mouvement de profonde joie et de bonheur intimement lié aux sentiments de revanche. Il crée une forme de poésie et des rêves qui sont essentiels pour notre existence. »
« Nous sommes face à une nouvelle situation. Les gens parlent d’un choc des civilisations. C’est complètement faux. Il s’agit d’un effondrement des cultures territoriales où la verticalisation de la communication entre anciens et jeunes a été brisée et où les jeunes regardent de façon collégiale de pair à pair. Il faut rentrer dans ces réseaux. Les parents ne savent absolument pas ce qui se passe avec leurs enfants. J’ai par ailleurs demandé au FBI « combien de gens avons-nous qui travaillent avec les jeunes ? » La réponse a été « aucune ».
Brice Couturier : « Quel est la responsabilité de l’Islam dans le terrorisme et le djihadisme ? Les jeunes qui font le djihad sont-ils ceux qui suivent un cursus religieux et ensuite deviennent violents ? »
Scott Atran : Non, 80% de ceux qui rejoignent le djihad n’ont aucune éducation religieuse. Une éducation religieuse traditionnelle est même un contre-indicateur. Ils sont du renouveau, très jeunes, convertis venant de la chrétienté. Ils sont à un moment transitionnel dans leur vie, entre formations, entre boulots, ils ont quitté leur famille et ils sont à la recherche d’une nouvelle famille. C’est là où ils sont susceptibles de prendre la voie du djihad et de la violence.
Question : « Ces jeunes sont-ils particulièrement humiliés, particulièrement frustrés socialement ? »
Scott Atran : Certains le sont mais l’humiliation en soit est un autre indicateur négatif pour rejoindre le djihad. Par contre, pour ceux qui voient leur parents, leurs sœurs, humiliés, c’est tout autre chose. Je connais par exemple ce cas d’une jeune femme avec un hijab se promenant avec son frère sur le boulevard de la République quand elle rentre dans quelqu’un parce qu’elle ne faisait pas attention. La personne lui crache dessus et dit « sale Arabe ». Dans une discussion autour de la question pourquoi il a rejoint le djihad, le frère raconte toute l’histoire de la persécution des musulmans du Maroc jusqu’en Birmanie et je lui ai dit « et pourquoi tu l’as fait ? » « parce que maintenant le djihad existe ». Il a un pouvoir d’attraction, il y a très peu de recrutement.
Caroline Fourest : Quelque chose me donne l’impression qu’on prépare nous-mêmes la défaite. C’est le regard de certains intellectuels, de certains journalistes qui facilitent la propagande de l’idéologie totalitaire que nous avons en face en expliquant à longueur de journée que c’est notre faute, que c’est parce que nous opprimons les musulmans en Europe que nous avons du djihadisme. Comment vous percevez ces discours-là et l’impact qu’ils peuvent avoir dans la bataille, dans cette absence de résistance justement [face au djihadisme] ?
Scott Atran : {Les doléances économiques et sociales peuvent amener des gens à la détresse mais ça ne les amène pas au point d’un nouvel ordre moral. Ce qui fait la réussite d’une révolution n’est pas la rébellion, ce qui fait la réussite est qu’ils peuvent trouver une nouvelle réponse morale. Une fois que ça se produit, l’arrière plan importe peu. Il faut faire face à ce défi moral et social. Mais ça ne résoudra pas le problème de la Palestine, le problème des jeunes dans la banlieue. Je ne sais pas si c’est ça [la résolution de ces problèmes] qui va détruire l’État islamique.
Alain Badiou, Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre
Ce court essai est la transcription d’un séminaire exceptionnel, donné le 23 novembre 2015 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, dans lequel Alain Badiou propose une élucidation du crime de masse arrivé à Paris le 13 novembre. Elle est nécessaire pour éviter les risques auxquels expose la domination du sensible. Le premier de ces risques consiste à autoriser l’État à prendre des mesures aussi inutiles qu’inacceptables en sur-investissant les fonctions de la représentation symbolique au nom de l’unité nationale. Le second risque relève du renforcement des pulsions identitaires. Si on peut voir en cela une étape naturelle, elle ne doit pour autant pas nous priver de saisir la complexité dans laquelle se trouve la signification des mots « Français », « France » : elle n’est ni triviale ni évidente. Le risque de la tentation identitaire — restreindre l’espace du malheur que nous vivions à l’identité — ferait de la justice une vengeance ouvrant un cycle d’atrocités. Au contraire, nous devons penser à l’échelle de l’humanité toute entière. Enfin le dernier risque identifié serait de produire un effet démesuré, créant une « passion telle qu’on ne pourra, à terme, plus distinguer entre ceux qui ont initié le crime et ceux qui l’ont subi » (p12).
Cet essai apparaît particulièrement stimulant pour penser les tueries du 13 novembre car il prend du champ dans le tête-à- tête agressif et stérile qui oppose aujourd’hui le plus fréquemment des analyses verrouillées autour de l’islam et de la France. Cette pensée parcourt 7 étapes du raisonnement et rappelle que « rien de ce que font les hommes n’est inintelligible » (p13) :
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1/ La structure objective du monde.
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2/ Les effets majeurs sur les populations, leur diversité, leur enchevêtrement et leur subjectivité.
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3/ Les subjectivités typiques ainsi créées.
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4/ Les figures contemporaines du fascisme.
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5/ L’événement lui-même dans ses différentes composantes : qui sont les tueurs.
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6/ La réaction de l’État et le façonnage de l’opinion publique.
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7/ Tentative de construire une pensée différente : vers le retour d’une politique d’émancipation disjointe du schéma du monde contemporain.
1/ La structure objective du monde
Elle est marquée par le triomphe du capitalisme mondialisé qui continue de s’étendre et de se concentrer d’autant plus que le contexte actuel ne permet pas du tout d’introduire des mesures régulatrices et de rééquilibre dans ce capitalisme. On ne peut que constater la faiblesse des résistances au regard des destructions successives. On est ainsi passé de deux idées en conflit (communisme et capitalisme) à une. Et « cette unicité est le point-clef du triomphe subjectif du capitalisme » (p 24). Badiou nous replonge dans la pensée de Marx et nous rappelle qu’il avait vu, déjà, les États comme fondés de pouvoir du capital ; et c’est un fait que les grandes firmes ont la taille d’États moyens et que les États s’affaiblissent.
Les nouvelles pratiques impériales conduisent à détruire les États plutôt que de s’y substituer ou de les corrompre – les zones de pillage non-étatisées en sont un exemple – ont des effets désastreux sur les populations.
2/ Les effets sur les populations
Les inégalités dans la répartition des ressources à l’échelle planétaire n’ont jamais été aussi creusées : 1 % de la population mondiale possède 46 % des richesses, 10 % disposent de 86 % et 50 % de la population ne possède rien. La classe moyenne, 40 % de la population, se partage 14 % des richesses.
À cette situation s’ajoute le fait que le capitalisme ne peut exploiter toute la force de travail disponible parce qu’il ne valorise le travail que parce qu’il en tire des profits. Si les systèmes de profits sont la seule source de valorisation de la force de travail alors le chômage de masse est structurel et définitif. Ainsi il n’y a que deux manières d’exister pour le capital : l’argent. Il structure une double identité, du salarié et du consom- mateur. Or, au moins deux milliards de personnes ne sont ni consommateurs, ni force de travail. On peut dire qu’ils sont comptés pour rien par le capital ; ils ne sont rien, ils ne devraient pas exister. Voilà qui amène d’angoissantes questions autour des migrations vues comme une invasion de notre Europe. Classe moyenne vecteur de la conviction que l’Occident est le lieu des civilisés ; elle est poreuse au racisme, à la xénophobie, au mépris des démunis.
3/ Les subjectivités réactives
Cette configuration du monde produit trois types de subjectivités, qui sont des formes psychiques, des formes de conviction et d’affect.
La « subjectivité occidentale », celle de la classe moyenne qui se partage les 14 %, se structure dans la dialectique entre l’arrogance et la peur : l’arrogance fondée sur la conviction que l’Occident est le lieu des civilisés ; la peur de perdre sa position et de tomber dans la catégorie de « ceux qui ne comptent pour rien ». En réaction, cette subjectivité désigne des boucs émissaires.
Les deux autres types de subjectivités sont appelées « la subjectivité du désir d’Occident » — désir de posséder, de partager son aisance, d’imiter sa consommation — et « la subjectivité « nihiliste » — désir de revanche et de destruction couplé au désir d’imitation aliéné, qui laisse libre cours à une agressivité éventuellement meurtrière. Elles «forment un couple qui gravite, version positive et version négative, autour de la fascination exercée par la domination occidentale » (p 43). Jusqu’ici, aucune proposition alternative n’offre de perspective pour une autre structure du monde.
4/ Le fascisme contemporain
Badiou voit dans la subjectivité populaire générée par le capitalisme un « fascisme », soit du fait d’une crise grave (ce fut le cas dans les années 30) soit des limites même du capitalisme notamment dans son incapacité à valoriser l’ensemble de la force de travail disponible. C’est une subjectivité réactive.
En se fascisant, le déçu du désir d’Occident devient son ennemi. D’après le schéma psychanalytique classique du refoulé, il crée une réaction nihiliste et mortifère qu’on peut définir comme une pulsion de mort articulée dans un langage identitaire : ici la religion est un des ingrédients possibles : « la religion n’est qu’un vêtement, elle n’est pas le fond de l’affaire » (p 46). Dans sa forme pratique, ce fascisme est un « gangstérisme criminel » ; Daech est une firme commerciale qui vend du pétrole, des œuvres d’art, du coton, des armes etc. donc interne à la structure du marché mondialisé dont elle est une perversion subjective. Ce fascisme est le revers du désir d’Occident frustré, organisé militairement avec des colorations idéologiques et où la religion tient une place formelle.
Ainsi cette subjectivité fascisante, cette fascisation, leur propose un héroïsme sacrificiel ou criminel et une certaine satisfaction occidentale : la « belle vie » avec une paye, des femmes, des voitures etc. donc un mélange de corruption occidentale (par les produits) et de propositions héroïques mortifères.
Dès lors, on comprend que ce qui est déterminant, c’est le choix fait par rapport à la frustration — le désir d’occident refoulé, le désir de vengeance, l’héroïsme sacrificiel. La religion n’est qu’un « référent anti-occidental présentable » (p 48) : « on a du reste pu observer que, dans la plupart des cas, l’islamisation est terminale plutôt qu’inaugurale. Disons que c’est la fascisation qui islamise et non l’islam qui fascise ».
5/ Qui sont les tueurs ?
Par une analogie avec les miliciens français qui avaient collaboré avec les Allemands, Badiou nous fait comprendre qu’il existe, dans les deux cas, la même scission interne de la subjectivité fasciste. Les miliciens français se réclamaient de la France alors même qu’ils avaient choisi le camp de l’occupant — la contradiction entre se revendiquer d’un pays donc proclamer en défendre les intérêts nationaux mais se ranger du côté de ceux qui piétinent le plus élémentaire de ces intérêts : la souveraineté. Les tueurs du 13 novembre expriment un anti-occidentalisme mais ils sont en réalité le résultat nihiliste de la vacuité aveugle du capitalisme mondialisé, « de son incapacité à compter tout le monde dans le monde tel qu’il le façonne » (p 50).
Quant aux barbares, Badiou démontre par trois exemples que les Occidentaux sont eux aussi des barbares qui, sous des formes différentes, font bien davantage de morts.
6/ La réaction de l’État : « France » et « guerre »
La France en se déclarant « en guerre » recourt au bon vieux nationalisme, stratégie dans laquelle Badiou ne croit pas. Avec sa « collection d’intellectuels identitaires », la France d’aujourd’hui est un des rares pays à avoir adopter des lois ouvertement discriminatoires contre les pauvres ; ces pauvres qu’elle a fabriqués, en allant les chercher, au Maghreb notamment, puis en délocalisant le travail et en désindustrialisant.
7/ Les conditions du retour d’une politique d’émancipation disjointe du schéma du monde contemporain
Comment essayer de construire une pensée différente ? C’est bien d’une politique émancipatrice disjointe de l’intériorité du capitalisme mondialisé que Badiou nous parle. Il propose pour la construire de substituer à cet espace France ou Français (d’ailleurs fantomatiques) un espace international voire transnational. La plus grande défaite est sans doute de « n’avoir pas mentalement une représentation mondialisée des problèmes » (p 59). L’accession à cette échelle globale est fondamentale et pour cela : « Ne votons plus ! N’accordons aucune importance aux proclamations mensongères et vaines de nos gouvernants ! Retirons-nous dans les lieux où séjourne réellement la volonté populaire ». Badiou en appelle à la classe moyenne, aux intellectuels disponibles pour cette nouvelle pensée pour qu’ils se lient avec ce prolétariat nomade. Les pensées neuves en politique se fondent sur des alliances inattendues, improbables et dans des relations égalitaires.
Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Daech
Cet ouvrage a été réalisé sous la direction des deux spécialistes Gérard Chaliand et Arnaud Blin.
Il retrace l’histoire du terrorisme, depuis l’Antiquité jusqu’à ces formes les plus récentes et nous fait comprendre com- bien la perception du terrorisme a évolué. L’islamisme radical est ainsi replacé dans son contexte historique. Seule cette profondeur de vue peut nous permettre de cerner les enjeux actuels de ce phénomène, dont les effets sont loin d’être épuisés.
Nous vivons à l’heure du terrorisme, et nous ignorons son histoire. Pris par la violence des images, la surenchères des menaces, la confusion de l’information « en continu », nous laissons finalement peu de place à la réflexion et à l’analyse. Il est pourtant urgent de chercher à comprendre le phénomène terroriste.
Les auteurs ont réuni pour ce livre les discours, manifestes et autres textes théoriques des acteurs principaux du terrorisme, de Bakounine à Ben Laden — la plupart inédits en français.
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Arnaud Blin est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, parmi lesquels : Géopolitique de la paix démocratique (Éd. Descartes & Cie, 2001) ; Le Désarroi de la puissance (Ed. Repères, 2004) ; La Terreur démasquée (Ed. Le Cavalier bleu, 2006) ; Les batailles qui ont changé l’histoire (Ed. Perrin, 2014) et avec Gérard Chaliand, Dictionnaire de stratégie militaire (Perrin, 1998) et America is back (Bayard, 2003).
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Gérard Chaliand est spécialiste des problèmes politiques et stratégiques du monde contemporain et plus particulièrement des guérillas et des terrorismes. Professeur invité à Harvard, UCLA et Berkeley, il a aussi enseigné à l’ENA et au Collège interarmées de défense, et a dirigé le Centre européen d’études des conflits. Il a surtout été présent sur divers terrains conflictuels en Asie, Afrique et Amérique latine. Il est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Anthologie mondiale de la stratégie (Robert Laffont, 2009), Atlas du nouvel ordre mondial (Robert Laffont, 2003), Les guerres irrégulières. Guérillas et terrorisme (Gallimard, 2008).
Sont également auteurs de ce livre :
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François Géré (historien et spécialiste de la géostratégie),
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Rohan Gunaratna (spécialiste du terrorisme international),
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Olivier Hubac-Occhipinti (spécialiste des conflits et de la piraterie),
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Ariel Merari (professeur invité à Harvard en sciences politiques),
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Philippe Migaux (Maître de conférence à Sciences po Paris) et
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Yves Ternon (historien).
Nous apprécions aussi les analyses de :
Gilles Kepel, politologue, spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain, enseignant à Sciences Po.
Il voit dans les attentats du 13 novembre, la volonté de Daech de nourrir l’islamophobie en France : les musulmans visés finiraient ainsi par rejoindre les rangs des djihadistes. Mais en prenant pour cibles des lieux où des musulmans pouvaient se trouver, Daech aurait commis une erreur stratégique et échoué à mobiliser des soutiens.
Auteur de Terreur dans l’Hexagone, Genèse du djihad français, Gallimard, Paris, 2016.
Olivier Roy, philosophe et politologue, spécialiste de l’Islam lui aussi, et professeur à l’Institut universitaire européen de Florence.
Il partage avec Gilles Kepel cette analyse de l’échec de la mobilisation. Il considère en outre que Daech aurait atteint ses limites d’expansion territoriale au sein des populations arabes sunnites. Par ailleurs, il explique le terrorisme non pas comme étant l’expression d’une radicalisation de la population musulmane mais comme étant le reflet d’une révolte générationnelle touchant une catégorie précise de jeunes.
Auteur en 1992, de L’Echec de l’islam politique, il a publié en 2014 En quête de l’Orient perdu (Le Seuil).
Farhad Khosrokhavar, sociologue franco-iranien, directeur d’études à l’EHESS et depuis mai 2015, directeur du Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologiques (CADIS).
Dans le même sens qu’Olivier Roy, Farhad Khosrokhavar perçoit l’adhésion à l’islam radical des jeunes terroristes comme un « moyen de sacraliser leur haine, de la légitimer et de justifier leur agressivité ». L’action des fanatiques serait ainsi fondée sur « la haine de soi et le sentiment de sa propre insignifiance bientôt transformés en haine de l’autre ».
Auteur de Radicalisation, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2014.
Michel Wieviorka, sociologue, administrateur de la fondation Maison des Sciences de l’homme et ancien directeur de l’EHESS.
À propos des attentats de ces dernières années, Wieviorka dénonce une violence « lourde d’un ressentiment lié à l’expérience sociale [des terroristes] » dans les pays qu’ils prennent pour cible et dont ils sont les ressortissants. Isolement et difficulté à trouver une place au sein de la modernité occidentale et quête de sens seraient ainsi un terreau favorable au déclenchement de violences extrêmes et incoercibles.
Auteur de Société et terrorisme, Paris, Fayard, 1988.
Nicolas Hénin, reporter indépendant, a été retenu en otage en Syrie par Daech de juin 2013 à avril 2014.
Daech est pour lui une organisation terroriste aux ambitions politiques réelles, certes, mais également une organisation mafieuse, « avec un rôle de prédation sur les territoires qu’elle contrôle ou cherche à contrôler », et une secte qui recrute des candidats djihadistes « prêts à se battre au nom d’un islam fantasmé ». Nos sociétés ont leur part de responsabilité dans la machinerie Daech : « que ce soit par l’invasion de l’Irak en 2003 ou la non-intervention en Syrie depuis 2011, nous avons alimenté la radicalisation. » Daech ne serait pas le mal mais le symptôme du mal : « le mal, c’est l’autoritarisme, le sectarisme qui déchire le Moyen-Orient, et c’est surtout l’extraordinaire violence politique qui touche les populations de la région ».
Auteur de Jihad Academy : nos erreurs face à l’État islamique, Éditions Fayard, 2015.
Médine.
« 11 septembre, récit du 11e jour » (2004), « Jihad » (2005), « Arabian Panther » (2008), « Protest song » (2013) et « Démineur » (2015) sont les cinq albums studio de Médine. Il est également co-auteur avec Pascal Boniface de l’ouvrage « Don’t Panik : N’ayez pas peur », Desclée de Brouwer, 2012, 220 pages.
Kery James est l’une des références majeures du rap français. Son groupe Ideal J ainsi que son collectif Mafia K’1 fry symbolisent les prémices de ce que l’on appelle le « rap conscient ».
Ses textes portent essentiellement sur le racisme, les discriminations et tout ce qui concerne plus largement les questions liées à la situation socio-économique des personnes issues des quartiers populaires.
Ses principaux albums solo sont « Si c’était à refaire » (2001), « Savoir et vivre ensemble» (2004), « À l’ombre du show business » (2008) et « 92-2012 » (2012). A la suite des attentats de Charlie Hebdo et de ceux en novembre 2015, son titre « Vivre ou mourir ensemble » (janvier 2016) apporte une réflexion constructive sur les réponses apportées par le gouvernement ainsi que sur la politique extérieure de la France.
« Nous sommes otages de vos jeux de pouvoirs que vous faites passer pour des combats / Du sang sur les mains, du pétrole dans la rétine / Les prétendus droits humains, chaque jour ils les piétinent / Soutiennent ceux qui les combattent, combattent ceux qu’ils soutiennent / Démagogues bureaucrates, politique schizophrène »
Et à travers le Monde Diplomatique…
Frédéric Lordon, économiste et sociologue, directeur de recherche au CNRS, chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE) et membre du collectif « Les économistes atterrés ».
À propos de l’état d’urgence, mis en place suite aux attentats des journées du 7 au 9 janvier 2015, Frédéreric Lordon montre à quel point le corps social, soit le peuple, est en proie à la dépossession tout en ayant contribué de fait aux structures de la dépossession. Le corps politique de notre société aurait atteint un seuil extrêmement élevé de ce qui nous affecte : « À la fin des fins, si le corps politique d’aujourd’hui ne se lève pas dans un élan outragé, c’est que ses propres seuils de l’outrage se sont dramatiquement déplacés, qu’il en faut de plus en plus pour lui soulever une oreille, de cette surdité qui fait la joie des gouvernants abuseurs, littéralement déchaînés — puisqu’ils n’ont d’autres chaînes que nous ».
Fréderic Lordon, « Ce que nous pouvons », Monde diplomatique, en date du 30 novembre 2015.
Serge Halimi, écrivain et journaliste, directeur du Monde Diplomatique depuis mars 2008.
Son article « L’art de la guerre imbécile », paru en décembre 2015, soulève l’ambigüité des politiques européennes et américaines sur les interventions armées systématiques au Proche Orient depuis le 11 septembre 2001. En reprenant les propos de Barack Obama en 2002 dénonçant « une guerre imbécile, une guerre irréfléchie, une guerre fondée non pas sur la raison mais sur la colère », menée par celui qu’il allait succéder, Serge Halimi montre l’urgence de penser « le tournant sécuritaire » et la « militarisation des idées » que prennent nos sociétés par l’adoption de mesures aux relents xénophobes surfant sur un climat anxiogène,
Serge Halimi, « L’art de la guerre imbécile », Monde Diplomatique, déc. 2015, p 1 et 13.
Nabil Mouline, enseignant-chercheur à Sciences Po Paris et chercheur au CNRS.
Ses thèmes de recherche portent essentiellement sur la construction sociale de l’autorité religieuse en Islam et sur l’histoire du Maroc ainsi que de l’Arabie Saoudite. Nabil Mouline, dans son article « Genèse du djihadisme », nous éclaire sur la signification sémantique du terme « djihad » afin de rétablir une définition juste et claire. L’usage médiatique et politique de cette notion tend à la détourner de son sens premier, à savoir « effort d’élévation spirituelle ».
Nabil Mouline, « Genèse du djihadisme », Monde Diplomatique, décembre 2015, page 1, 14 et 15.