Life and Peace Institute, Région de Grands Lacs, 2013
La houe, la vache et le fusil
Conflits liés à la transhumance en territoires de Fizi et Uvira (Sud-Kivu, RDC) : état des lieux et leçons tirées de l’expérience du Life and Peace Institute.
Mots clefs : Elaborer des méthodes et des ressources pour la paix | Travailler la compréhension des conflits | Agir pour la transformation des conflits | République Démocratique du Congo | Région des Grands lacs
Langues : français
Type de document : Ouvrage
Une fois par an, la province congolaise du Sud-Kivu, dans la région des Grands Lacs, devient un lieu de transhumance. Des milliers de bovins descendent les Hauts et Moyens Plateaux afin de rejoindre des pâturages situés plus en aval.
Cet ouvrage propose d’essayer de comprendre les liens entre ces déplacements annuels de troupeaux et les conflits qui agitent le Sud-Kivu depuis 1996. Les conclusions exposées ici le montrent, la réalité est plus complexe, mais riche en enseignements.
Les conflits liés à la transhumance s’enracinent dans la symbolique des sociétés paysannes de la région des Grands Lacs, en particulier les symboles de la houe et de la vache – auxquels le fusil vient ajouter une dimension supplémentaire. La houe est un outil commun à toutes les sociétés agricoles. Son nom, dans le langage commun, renvoie au dur labeur champêtre sur lequel la majorité de la population compte pour survivre. Elle renvoie également, dans ce contexte, à l’espace nécessaire à la pratique de la petite agriculture familiale. Quant à la vache, dont le lait constitue une ressource vitale, elle est le symbole par excellence de la vie dans les sociétés pastorales. Elle est un symbole de richesse, de réussite économique, ainsi qu’un précieux instrument d’épargne. La vache, dans ce livre, renvoie également à l’espace nécessaire à la pratique de l’élevage. À partir du moment où les identités de certaines communautés sont adossées aux activités agricoles et pastorales, l’accès et le contrôle de la terre cessent d’être une simple question de séparation entre zones de cultures et de pâturages, pour devenir un enjeu de cohabitation entre communautés ethniques.
Cette cohabitation fut, en principe, historiquement régulée par des institutions traditionnelles, autour d’un système de tenure unissant demandeurs et régisseurs de terres. Ces institutions ont plus ou moins bien fonctionné jusqu’à l’introduction du fusil dans les communautés villageoises. Même si l’arme à feu est un instrument de pouvoir, de chasse et de défense du territoire, sa prolifération à l’Est de la RDC participe à l’érosion du mode de régulation des rapports entre agriculteurs et éleveurs. Il sert à empêcher les éleveurs d’accéder aux pâturages, tout autant qu’il leur permet de forcer cet accès. Le fusil, dans ce contexte, est le symbole de la négation de l’autre.
Cette publication dresse le premier bilan de l’une des initiatives les plus ambitieuses prises en matière de gestion de la transhumance dans la zone : la mise en place, par le Life & Peace Institute et ses partenaires locaux, de Cadres de Concertation Intercommunautaires chargés d’appliquer des accords entre éleveurs, agriculteurs et chefs coutumiers au Sud-Kivu.