Paris, janvier 2005
Gardons espoir pour le Rwanda. Auteur : André Sibomana.
Cet ouvrage est le fruit d’un entretien du père André Sibomana, prêtre, défenseurs des droits de l’homme et journaliste avec l’historienne Laure Guibert et le journaliste Hervé Deguine. Il s’agit d’une proposition d’analyse des mécanismes ayant permis le génocide rwandais de 1994.
Mots clefs : Ethnicisme et paix | Théorie du conflit identitaire | Elaboration de l’histoire pour la paix | Elaboration et utilisation du symbolique | Construction et utilisation de l'identité culturelle | Défenseurs des droits de l'Homme | Organisation communautaire | Gouvernement rwandais | Résister pacifiquement à la guerre | Soutenir des démarches de réconciliation après-guerre | Elaborer ensemble la mémoire et l’histoire | Déconstruire les discours identitaires | Appliquer la justice, facteur essentiel de réconciliation sociale | Rwanda | Région des Grands lacs
Réf. : Auteur : André SIBOMANA. Editions Desclee de Brouwer, octobre 1997.
Langues : français
Type de document : Ouvrage
Au cours des entretiens, le père Sibomana livre ses expériences et son point de vue sur le génocide : de par son langage, chargé de solidarité, il fait entrer le lecteur dans une atmosphère non pas d’analyse rationnelle mais de compréhension, voire de compassion.
Cela n’empêche pas le père Sibomana de proposer des pistes très intéressantes sur les causes profondes du génocide, ce qui explique son long retour sur le passé. Par son éclairage, fruit de son regard à la fois proche et distancié, solidaire et critique sur le Rwanda, il montre la multiplicité et la complexité des facteurs étant susceptibles de conduire à un processus génocidaire, ce qui va tout à fait à l’encontre d’une lecture strictement identitaire du conflit.
Le déchaînement absolu de violence de 1994, loin d’être la conséquence d’une folie passagère, est présenté comme l’aboutissement, en aval, d’un processus long et conflictuel.
En effet, l’analyse identitaire qui veut réduire le conflit à l’affrontement de deux ethnies semble trop simpliste. Plusieurs facteurs entrent en jeu.
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Des facteurs politiques :
Un encadrement strict des consciences ayant permis la catégorisation d’une partie de la population, impossibilité pratique pour la population d’exercer un esprit critique, non-respect des droits de l’homme, impunité, perte de confiance dans un pouvoir corrompu et incapable d’assurer la sécurité et le développement…
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Des facteurs sociaux économiques :
Une période de récession économique ayant abouti à l’exclusion d’une part non négligeable de la population qui a d’autant plus facilement transgressé un système de valeur interdisant le meurtre, qu’elle n’y avait pas accès, que des conditions d’existence dignes ne lui était pas garanties : pour beaucoup de jeunes des milices interhamwe, la violence était devenue le seul moyen d’affirmation de soi.
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Des facteurs culturels :
Un processus de construction de la mémoire fondé sur des antagonismes et sur une instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques.
En mettant en évidence ces différents facteurs ayant rendu le génocide possible, il souhaite également insister sur le fait que le génocide n’était pas inéluctable, il place le discours dans des termes de « responsabilité ». De là, sans doute, le titre de l’ouvrage tendant à montrer comment les Rwandais sont aussi des acteurs de leur propre histoire, donc des coresponsables.
Commentaire
Cet ouvrage apparaît comme un vibrant appel à la responsabilisation de chacun et à un effort d’objectivation historique.
Si l’auteur ne nie pas la responsabilité majeure, primordiale du gouvernement rwandais dans la planification et la mise en œuvre du processus génocidaire, il porte également un regard sans complaisance sur l’attitude passée de l’ensemble des acteurs en présence et notamment sur le FPR qui, par la guerre d’octobre, légitiment le gouvernement dans sa politique d’ostracisme vis-à-vis de la population tutsi et favorisent le renforcement des mécanismes de solidarités ethniques, de sentiments d’appartenance privilégiés, Selon l’auteur, ce dernier s’est également rendu coupable de nombreuses violations des droits de l’homme également impunies. Il montre aussi les responsabilités et la complicité d’une Église catholique traversée par le conflit : son cri de croyant est interpellant « Seigneur, où étais-tu pendant le génocide ? ».
Il se montre également extrêmement critique sur la passivité de la communauté internationale et des ONG qui ne pouvaient pas ignorer et les invite à entamer une réflexion profonde sur leur rôle dans la tragédie rwandaise et sur la validité de leurs stratégies.
Enfin, il insiste sur l’urgence d’instaurer au Rwanda un véritable État de droit et une culture de la démocratie et se montre extrêmement pessimiste sur la capacité du gouvernement actuel à atteindre cet objectif. Il est également extrêmement sévère sur la politique de réconciliation nationale engagée par lui : une telle politique apparaît selon André Sibomana avoir pour finalité non pas tant l’accomplissement du devoir de mémoire mais l’instrumentalisation de l’entreprise génocidaire à des fins politiques.
Cependant, malgré toutes les difficultés, le Père Sibomana termine son intervention par un mot d’espoir, son dernier cri « ne renonçons pas à l’espoir ! » laisse ouvertes les portes de l’espérance, de la confiance et de la responsabilité.