Larbi Bouguerra, Paris, April 2007
La collecte de l’eau de pluie alimente en eau propre les villageois pauvres de l’Inde
Le Prix de l’Eau de Stockholm pour 2005 honore l’Indienne Sunita Narain qui met sens dessus dessous les approches traditionnelles pour la fourniture d’eau aux populations en défendant la gestion décentralisée de la collecte d’eau de pluie. En fait, le Prix de Stockholm a récompensé une combattante pour la paix en Inde et dans le monde.
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Ref.: Catherine M. Cooney, Interview : {« Rain water harvesting brings clean water to poor villagers »}, Environmental Science and Technology, ACS, Washington D.C. 05 octobre 2005.
Sunita Narain, directrice du Centre for Science and Environment (CSE) de Delhi, a eu des prises de bec avec le gouvernement et l’industrie. C’est un défenseur des ressources naturelles et tout particulièrement de l’eau dont elle demande la protection.
Le Prix de l’Eau de Stockholm lui a été décerné pour son travail de promotion, au CSE, d’une gestion décentralisée de la collecte de l’eau de pluie. Le CSE incite à cette collecte et au stockage de l’eau de pluie dans des réservoirs, des mares et sur les toits pour permettre la recharge des nappes, pour la formation de réserves pour l’irrigation et pour l’eau de boisson. Dans une interview à la revue américaine Environmental Science & Technology, Narain se prononce sur les projets d’aide –petits et grands- dont la maintenance laisse à désirer dans les pays pauvres et explique pourquoi les solutions qui marchent dans les pays développés échouent dans les PVD comme l’Inde et que le problème numéro un de l’eau, pour elle, c’est la pollution de la ressource par les matières fécales humaines.
Pour Sunita Narain, quand on dote une communauté d’une pompe manuelle, personne ne pense à la durabilité, personne ne parle de la maintenance de la pompe, on ne dit pas aux gens comment ils doivent participer et comment ils doivent protéger leur aquifère. Pour elle, ce sont là des questions de « software » et les organismes qui installent la pompe ne s’intéressent qu’au « hardware », les questions purement techniques de cet outil : tuyaux, pompes…
L’Inde a fait d’immenses investissements dans l’infrastructure mais ces infrastructures ne sont pas réparties équitablement. Ces investissements tendent à centraliser la croissance, dans les villes en particulier, et il en résulte que certains deviennent ainsi plus riches alors que d’autres s’appauvrissent. Les campagnes sont particulièrement lésées à cet égard.
Sunita Narain défend la collecte de l’eau de pluie parce que celle-ci est une technologie puissante et qui met la technique entre les mains des gens. Elle est décentralisée et en tant que elle, autorise ainsi une croissance décentralisée. Elle affirme que bien des ministres dans les différents Etats de l’Union indienne, approuvent ces idées et le Président de l’Inde lui-même a installé dans sa propriété la collecte d’eau de pluie. Mais les bureaucrates posent problème car cette technique affaiblit leur pouvoir. Mais, les choses bougent…En Inde, 700 millions de personnes n’ont pas de sanitaires. Le CSE a découvert, à travers ses études, que les eaux usées constituent la menace principale pour la ressource et sur le pays plane la menace sérieuse des eaux usées.
Sunita Narain pense que l’UN Millenium Development Goals (MDGs) qui vise à diviser par deux, d’ici 2015, le nombre de personnes privées d’eau potable n’est pas assez ambitieux car la question de l’eau ne figure pas parmi les priorités des pays développés qui, eux, décident de l’ordre du jour et des questions importantes qui doivent y figurer.
Elle conclut son interview en lançant cet appel aux pays développés : « Vous avez été en mesure de gérer la ressource correctement chez vous. Mais vos réponses ne sont pas les nôtres. Mon message est alors le suivant : S’il vous plaît, ne prêchez pas. Prière ne pas insister en vue de l’adoption de ces solutions qui marchent dans votre partie du monde. Et faites ceci avec humilité. Nous avons tous besoin de plus d’humilité en défendant des solutions et des approches ».
Commentary
Le CSE défend depuis vingt ans la gestion décentralisée de l’eau et veut responsabiliser les gens notamment dans les campagnes, oubliées par les décideurs, le plus souvent. La question de l’eau en Inde est fondamentale et menace l’ordre public et la paix. Lors de la récente sécheresse qui a frappé le Kérala et d’autres Etats, les camions-citernes d’eau se déplaçaient sous la protection de gardes armés pour éviter leur hold-up à la traversée de certains villages assoiffés.
La construction des grands barrages – pour alimenter les villes, essentiellement- a chassé les gens de leurs terres et provoqué bien des dégâts. Les eaux usées altèrent gravement le milieu et polluent la nappe et les grands fleuves, devenus des égouts à ciel ouvert en maints endroits.
Il est réconfortant de voir couronné un défenseur de la paix. Car Sunita Narain, à travers son combat pour la décentralisation, œuvre fondamentalement pour la paix. Fournir de l’eau grâce à la collecte de l’eau de pluie au 1,1 milliard d’êtres humains qui en manquent aujourd’hui est le plus signalé des services qu’on puisse rendre pour assurer la paix parmi les hommes.