Alexia Stainer, Grenoble, August 2006
Nonviolent Insurrection in Salvador : the fall of Maximiliano Hernandez Martinez - de Patricia Parkman
Description de la lutte non violente d’un peuple pour éliminer un dictateur.
Keywords: | | | | | | | | El Salvador
Ref.: Nonviolent Insurrection in Salvador : the fall of Maximiliano Hernandez Martinez - de Patricia Parkman - Tucson: University of Arizona Press, 1988
Languages: English
Document type: Book
Maximiliano Hernández Martínez était arrivé au pouvoir en décembre 1931 à la suite d’un coup d’Etat militaire contre son prédécesseur, Arturo Araujo. Avant la fin de 1932, il avait déjà établi un régime répressif qui lui assurait le pouvoir.
L’émergence et le renforcement d’une opposition à Martínez ont plusieurs explications.
• La première est l’installation d’un groupe de dirigeants fidèles à Martínez, incarnant un pouvoir figé et anachronique, qui ne laisse aucun espoir à la jeune génération de monter en grade. Cette stratégie de pouvoir s’avère des plus dangereuses au niveau de l’armée puisque les promotions ne dépendent plus du mérite ou de l’ancienneté mais des influences politiques.
• La deuxième est d’ordre économique. Le début de la guerre en Europe a fait perdre une partie du marché au café salvadorien. Mais après 1940, cette tendance s’est inversée et la demande de café augmente significativement, entraînant des effets négatifs dans le pays par le développement de l’inflation.
La guerre elle-même a un effet idéologique sur la population salvadorienne. Beaucoup d’articles de presse et de propagande nord-américains publiés à cette époque mettent en avant la démocratie. La croissance économique et l’idéologie importée constituent une pression pour la réforme sociale qui s’accompagne de demandes pour une sécurité sociale, une meilleure qualité de l’habitat urbain, ainsi que d’autres mesures sociales. La tentative de Martínez de s’accommoder de cette tendance ne satisfait pas la gauche et fait peur à la droite.
Le gouvernement essaye également de consolider son contrôle sur les institutions économiques. Cette ingérence du gouvernement dans l’économie inquiète les milieux de l’industrie, et crée des problèmes au sein même des institutions gouvernementales qui refusent de nommer des partisans du Président. Toutes ces frustrations atteignent leur paroxysme en 1943 quand Martínez entreprend une réforme constitutionnelle qui lui permet de se présenter pour un nouveau mandat. Ainsi l’opposition au président est largement hétérogène et prend des formes multiples qui vont des manifestations antifascistes au théâtre satirique.
La campagne non-violente contre le président Martinez se déroule à différents niveaux : la propagande ; le combat juridique contre son mandat de président ; et enfin des appels à l’aide aux autres républiques d’Amérique et en particulier aux Etats Unis. La Cour Suprême rejette une pétition contre le gouvernement et le régime entreprend une répression à grande échelle, en particulier dès la publication d’informations sur les élections et la possession des copies de la pétition.
En janvier 1944, l’assemblée constitutionnelle s’octroie, sans n’étonner personne, le pouvoir de réélire le président. Ce sont plutôt les changements qui accompagnent cette décision qui secouent la société salvadorienne. Les mesures donnent entre autre au gouvernement, le pouvoir d’expulser toutes les personnes d’origine étrangère (le Salvador accueillait de nombreux commerçants palestiniens), d’interdire toute organisation soupçonnée d’opposition au gouvernement et d’établir un monopole des services pouvant bénéficier à la population.
Le 2 avril 1944, une révolte armée se met en place mais elle échoue par excès de confiance et sans doute à cause d’une trahison. La réponse du gouvernement est brutale, la loi martiale est proclamée dans tout le pays, un couvre-feu instauré, et les signataires de la pétition à la Cour suprême se voient interdits de quitter ou d’entrer dans la ville de San Salvador. Les arrestations de civils et de militaires, soupçonnés d’avoir participé à l’insurrection, se multiplient et 44 condamnations à mort sont prononcées.14 au moins seront effectivement exécutées. Ces actions répressives certes effrayent la population, mais elles renforcent aussi sa détermination. En début mai 1944, le peuple d’El Salvador exige la démission du Président Martínez par une grève générale.
Il existe plusieurs théories sur les raisons du choix d’une grève. Mais l’un des moteurs essentiels de ce renforcement de l’opposition au Président est l’arrestation et la condamnation à mort, le 17 avril, d’Arturo Romero, un de ses chefs de file. Elle suscite une réaction immédiate de protestation et de manifestation. C’est au cours de la semaine suivante, quoique les témoignages ne soient pas concordants, que les étudiants commencent à organiser la grève générale à San Salvador. Ils commencent leur grève le 24 avril, jour de la dernière exécution consécutive au soulèvement de début avril. Progressivement, ils remportent un soutien de plus en plus large de la population. Le 7 mai, un policier tire sur un groupe de jeunes dans la rue et tue par erreur un jeune de 17 ans dénommé José Wright. Cet incident provoque plus de manifestations encore, la participation à la grève de toutes les fonctions publiques ainsi que les services municipaux, à l’exception du service de l’eau et des fossoyeurs, et la fermeture des commerces et des banques le 8 mai.
Le soutien de l’armée et de la police au gouvernement semble hésitant et ambiguë, c’est pourquoi les mesures répressives ne sont pas appliquées. Finalement, la mort de Wright décide le gouvernement à négocier avec un comité de grévistes. La création d’un nouveau gouvernement est ralentie par le choix des ministres; le conseil, issu des discussions représente un compromis qui ne satisfaisait pas complètement les grévistes. Il a le seul mérite d’enlever Martínez du pouvoir. Ainsi, le 11 mai San Salvador retrouve son train de vie normale, et Martínez quitte le pays.
Ce succès ne dure que jusqu’en octobre quand un coup d’Etat militaire s’empare à nouveau du pouvoir. Il est contesté par une nouvelle grève qui échoue à cause de l’utilisation de la violence. En effet, il est vain de défier les militaires sur un terrain sur lequel ils peuvent gagner facilement.
Malgré cette défaite, ces premières actions civiques en mai 1944 sont le début d’une tradition de résistance civile au Salvador qui se poursuit jusqu’à nos jours. C’est aussi, en 1944, la première d’une vague de résistances non-violentes contre les dictatures d’Amérique centrale. Ces grèves n’ont pas de visée économique mais les participants, issus de la classe moyenne, poursuivent des buts politiques.