Silvia Gurrieri, Paris, octobre 2005
Les guerriers de la paix. Auteur : Bernard Kouchner, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Kosovo, 1999-2001.
Récit de la mission de l’ONU au Kosovo de 1999 à 2001, de l’engagement des guerriers de la paix y ayant participé, et défense du droit d’ingérence dans des situations d’urgence humanitaire.
Mots clefs : Les difficultés d'une culture de paix dans une population ayant vécu la guerre | Droit international et paix | Droit humanitaire et paix | Médiation internationale pour la paix | Intervention étrangère pour la paix | ONU | Agir à l'échelle internationale pour préserver la paix | Appliquer le droit d'ingérence humanitaire | Kosovo
Réf. : Auteur: Bernard Kouchner, Editions Grasset, Paris, 2004
Langues : français
Type de document : Ouvrage
Bernard Kouchner commence le livre en se rappelant un à un ses amis ayant fait partie du « dream team » qu’il a dirigé pendant deux ans à Pristina, et qui sont morts à Bagdad en raison du camion-suicide lancé contre le mur d’enceinte de la mission des Nations unies. Il en vient à parler de ces guerriers de la paix à plusieurs reprises au cours du livre, en présentant leur travail, leur engagement courageux pour le rétablissement de la paix au Kosovo et dans d’autres régions de la planète.
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Chapitre 1
Dans le premier chapitre intitulé « La grande mission », il présente les étapes ayant précédé sa nomination au poste de représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Kosovo. Alors fondateur de Médecins sans frontières, ministre de l’Action humanitaire dans les gouvernements de Mitterrand et bénéficiant d’une forte expérience sur le terrain, il a été choisi par Kofi Annan pour mettre en œuvre la résolution 1244 du Conseil de sécurité demandant de « rétablir la démocratie dans la province Serbe du Kosovo ».
Il parle de ses collaborateurs, de leur travail, de ses relations avec eux, du début de la guerre des Balkans, des Albanais du Kosovo et des Serbes, et de longs siècles de haine réciproque.
« Les jours de cette guerre » témoignent des difficultés que la mission a dû affronter dès son arrivée : premièrement un massacre de paysans serbes qui a posé le problème d’organiser la protection, outre des victimes albanaises du Kosovo, des Serbes devenus à leur tour victimes de la vengeance.
Il parle de la rencontre et de la collaboration avec deux représentants de la religion orthodoxe du Kosovo (Monseigneur Artemje et le père Sava), ainsi que de sa politique d’approche entre les deux courants du nationalisme kosovar, celui du pacifisme de Rugova, et celui de la lutte armée de Thaci.
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Chapitre 2
Un autre problème crucial se posait pour la mission onusienne au Kosovo, celui de la reconversion des combattants. Elle fut achevée à travers quatre stratégies complémentaires : l’encouragement à former des mouvements politiques acceptant les règles du jeu démocratique, la création d’une nouvelle structure sous uniforme, le Kosovo Protection Corpse, l’aide au retour à la vie civile des ex-combattants, l’assignation d’une reconnaissance institutionnelle. Dans ce chapitre, on trouve enfin une partie consacrée aux femmes kosovares que l’auteur a rencontré et que selon lui «là comme ailleurs, ce sont celles qui portent l’avenir » : la créatrice de l’Association des femmes et ensuite membre du Conseil transitoire du Kosovo, la présidente du Comité Helsinki pour les droits de l’Homme en Serbie.
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Chapitre 3
Dans le troisième chapitre, « Le médiateur du sang », Kouchner expose la politique adoptée au Kosovo : l’implication des Kosovars, de toutes les ethnies, dans l’ensemble des décisions qui les concernaient et la proximité du groupe onusien avec les gens et leur drames. La lutte contre la criminalité a été très dure mais a abouti à la création d’une école de police dont les élèves ont reçu un enseignement sur les droits de l’homme et qui a représenté la première unité réellement démocratique de la région. Un autre résultat obtenu a été l’inauguration de la première télévision libre et indépendante de la région. L’auteur rappelle aussi les visites officielles reçues pendant son mandat de la part des chefs d’Etat et de gouvernement des États-Unis, d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre et de France.
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Chapitre 4
Dans le chapitre « L’administration de la liberté », l’auteur énonce son choix, dans certaines situations, de la justice au lieu de la loi. Il décrit aussi toutes les étapes de la campagne préparatoire des élections municipales du 28 octobre 2000, le premier scrutin libre et démocratique de l’histoire du Kosovo.
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Chapitre 5
Le dernier chapitre contient une intéressante réflexion de M. Kouchner sur l’Iraq avant et après Saddam, sur l’immobilisme de la communauté internationale lors de la répression du Rais contre les Kurdes. M. Kouchner, partisan du droit d’ingérence dans les pays pour des motifs humanitaires, défend la légitimité de la guerre en Iraq, mais critique profondément les raisons qui l’ont accompagnée. Il explique également ce qu’ont été pour lui les erreurs de la politique de reconstruction en Iraq : avant tout les États-Unis l’ont mise sous la responsabilité du Ministère de la Défense au lieu du Ministère des Affaires Étrangères. En outre, ils ont négligé de consulter les Iraquiens, de tenir compte de leur aspirations et besoins et de tirer des leçons des missions militaires précédentes, comme celle d’Haïti et du Kosovo. Ils n’ont pas préparé la suite politique de leurs opérations militaires en Irak. L’auteur explique enfin comment le droit d’ingérence est né il y a plus de trente ans grâce aux French doctors des Médecins sans frontières, qui se rendaient illégalement sur les territoires en guerre pour aider les populations. Il est devenu ensuite un instrument juridique de la communauté internationale avec l’adoption des résolutions de l’Assemblée des Nations unies, garantissant le droit d’accès des sauveteurs aux victimes.
Commentaire
M. Kouchner parle à la première personne de son expérience au Kosovo, des choix difficiles pris pendant son mandat, des raisons derrières elles, des risques affrontés, des doutes, des difficultés, des défaites et des succès de la mission, des étapes du processus de construction de la paix dans cette région. Il met en exergue ce qui dans la mission au Kosovo peut servir d’exemple pour d’autres interventions humanitaires, et qui n’a pas été suivi par la politique américaine en Iraq.
Il n’arrête pas de souligner l’importance fondamentale, dans une situation d’après-guerre, d’écouter, de travailler ensemble, d’impliquer les populations locales dans la reconstruction et la gestion de leur pays, dans les décisions qui les concernent.
L’auteur soutien sa position en faveur du droit d’ingérence, et de la nécessité dans l’urgence, d’être hors-la-loi pour faire gagner la loi.
Son livre est aussi un hommage rendu à ses amis de l’équipe du Kosovo morts en Iraq et à tous ceux qui, dans les plus différentes parties de la planète, consacrent leur vie au service de la paix.