Virginie Rouquette, Paris, juin 2005
Former pour transformer. Auteurs : Anne-Marie Masse-Raimbault et Pierre-Yves Guiheneuf.
Méthodologie d’une démarche de développement multidisciplinaire en Équateur.
Mots clefs : Promotion de la santé | Lutte contre l'exclusion et pour l'intégration sociale | Initiatives de développement durable | Organisation d’une communauté villageoise | Organisation de populations pauvres | Institutions d'enseignement, Centres de recherche, Scientifiques | Prévenir des conflits | Réformer les rapports économiques pour préserver la paix | Equateur | Amérique Latine
Réf. : Anne-Marie MASSE-RAIMBAULT, Pierre-Yves GUIHENEUF, Edition de la Fondation pour le progrès de l’homme, Janvier 1996
Langues : français
Type de document : Ouvrage
Le dossier "Former pour transformer" relate le déroulement du projet ANDES (Alimentation, nutrition et développement), mis en œuvre en Equateur dans les années 1980. Il se présente sous la forme d’un récit, ponctué de témoignages des participants et d’explications shématiques sur les ressorts techniques et scientifiques du projet. Les auteurs restituent la chronologie factuelle de la mise en œuvre du projet, tout en s’efforçant de mettre l’accent sur la démarche retenue pour le projet et les raisons d’un tel parti pris.
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Le projet ANDES a pour objectif de former des cadres à l’amélioration de la qualité de vie et de la santé des paysans équatoriens.
Le projet adopte pour cela une méthodologie singulière basée sur deux pincipes conducteurs : la pluridisciplinarité et l’implication des populations locales bénéficiaires dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet.
À l’origine de l’initiative, se trouve le constat de l’absence d’interrelations entre, d’une part, les questions de production, de distribution agricole et d’alimentation et, d’autre part, les questions médicales et nutritionnelles, dans le traitement des problèmes de carences alimentaires et de problèmes médicaux plus globaux. Cette absence d’échanges entre disciplines hypothèque largement les résultats des programmes de santé. Considérant que les étudiants en médecine sont les vecteurs et les promoteurs incontournables de changement en matière de conception de la pratique médicale, mais considérant également que ces évolutions ne peuvent se concrétiser sans que le lien entre différents champs disciplinaires ne soit tissé, le projet ANDES doit permettre à des étudiants d’élargir leurs perspectives en réalisant sur le terrain (dans des villages paysans) des stages avec des professionnels et étudiants d’autres disciplines.
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Les promoteurs du projet ANDES considérent la santé dans sa globalité et veulent la réintroduire dans une chaîne de corrélations entre des problématiques agricoles, économiques, sociales et alimentaires.
C’est pourquoi l’équipe, composée d’étudiants et de professeurs de l’Université centrale d’Équateur, comprend donc trois types d’acteurs : une équipe de santé, composée de personnel médical, une équipe agricole, comprenant ingénieurs, agronomes et vétérinaires et la communauté paysanne. L’originalité du projet réside précisément dans la collaboration et l’implication pleine et entière de chacun de ces trois acteurs.
L’organisation du projet a donc été fonction de cette méthodologie.
Les premiers outils à utiliser sont moins les enquêtes, les analyses, les diagnostics spécialisés… et plus l’observation, le dialogue et la négociation, la recherche de l’instauration d’un climat de confiance.
Autre aspect de cette méthode, l’équipe de santé et l’équipe agricole se sont efforcées de dépasser les clivages disciplinaires les séparant pour considérer les difficultés rencontrées par les paysans dans un enchaînement de causes et de conséquences plus complexe. Dans cette perspective, la santé ne se limite plus à répondre aux problèmes médicaux identifiés par les professionnels ou rapportés par les malades. C’est un objectif d’ampleur qui implique des changements dans de multiples domaines de la vie quotidienne. La malnutrition et l’anémie ne sont plus des problèmes en soi, qu’il s’agit de régler dans les meilleures délais, mais des indicateurs des conditions de vie, de l’économie locale, des relations avec la société globale… Ainsi, plutôt que de conseiller aux communautés villageoises de modifier la qualité nutritionnelle de leur alimentation, les médecins ont demandé aux agronomes de trouver des solutions pour que les productions vivrières s’améliorent, en qualité comme en quantité, afin de multiplier les sources de revenu des familles équatoriennes et de diversifier les nutriments des aliments consommés.
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L’association des populations paysannes au projet a également été un objectif du projet ANDES.
Dans les faits, cette implication s’est traduite par l’adaptation du projet aux populations locales et donc le choix de prolonger le projet pour ne pas bouleverser les rythmes de vie, l’adoption d’une organisation du projet qui permettait aux paysans d’émettre des propositions, de disposer d’un droit de veto. Les initiatives ne sont pas imposées : les instituteurs, largement intégrés au projet, ont accepté d’initier de nouvelles pratiques agricoles en les expérimentant pour eux-même et en les partageant avec les enfants.
S’il est difficile d’établir un bilan global des résultats du projet ANDES, des améliorations visibles et très positives en terme de productivité agricole et de santé des populations villageoises ont été clairement relevées. Au-delà de ces améliorations, les différents protagonistes ont observé un changement de pratiques de la part des bénéficiaires du programme, dont le refus de l’idée selon laquelle la pauvreté serait une fatalité inévitable.
Commentaire
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Le récit de projet ANDES prône certaines valeurs fortes
Des valeurs que les partisans du projet considèrent comme nécessaires et préalables pour atteindre des objectifs d’amélioration globale de l’état de santé des habitants des villages agricoles de l’Équateur, à savoir la complémentarité des savoirs et la participation et l’implication directe des bénéficiaires au projet. Ces principes ne sont pourtant pas originaux dans le monde du développement. Mais la valeur de l’ouvrage réside dans la démonstration simple et naturelle de la possibilité de traduire dans les faits ces principes méthodologiques, restant bien souvent du domaine du discours.
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L’ouvrage propose donc bien plus qu’un journal de bord d’un projet de développement, il propose une véritable méthodologie de projet de développement.
Néanmoins, la simplicité apparente de l’adaptation des promoteurs aux objectifs méthodologiques du projet ne doit pas leurrer sur la difficulté à mettre en œuvre ces principes : le soutien et l’appui des interlocuteurs et des institutions sont nécessaires, il faut également pouvoir compter sur la capacité de compréhension et la souplesse des bailleurs de fonds.
"Former pour transformer" propose aux acteurs du développement une nouvelle mission, qui se situe bien davantage au niveau de l’intermédiation - entre actions de transformation sur le terrain et changements institutionnels, entre développement, recherche et formation, entre "micro" et "macro", entre des univers et des temps différents - plutôt que dans l’action et l’intervention directe.
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En ce sens, l’expérience fait figure d’exemple, par la preuve de la possibilité de créer des passerelles entre des mondes différents, et de l’efficacité et de la pertinence d’une telle méthode.
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