Astrid Fossier, Paris, décembre 2007
Les associations chinoises, définitions
Avant d’analyser les différentes formes d’associations existantes en Chine, il est important de se poser quelques questions de terminologie : peut-on réellement qualifier les associations chinoises d’ONG ? Comment le concept de {« non-gouvernemental »} est-il traduit dans la langue chinoise et qu’implique-t-il alors ?
Mots clefs : Responsabilité sociale et exercice de la citoyenneté | Emergence d'une société civile mondiale | Liberté de réunion et d'association | Société Civile Locale | Citoyens chinois pour la paix | Soutenir l'organisation de sociétés civiles locales | Asie | Chine
Les associations chinoises, définitions
Du fait de sa relative nouveauté, le concept d’association n’est pas appréhendé de la même manière par les différents acteurs de la société civile chinoise, qu’ils soient des agents officiels, des chercheurs chinois ou étrangers ou encore des citoyens engagés. Les termes définissant les associations sont très nombreux, recouvrant parfois la même réalité mais impliquant aussi parfois de subtiles différences. Il est important de faire le point sur les termes rencontrés dans les textes chinois pour choisir ensuite une appellation bien définie et que l’on utilisera dans cette étude sachant ce qu’elle implique :
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Qunzhong tuanti (renmin tuanti) : « Organisations de masse » créées après 1949. Organisations à but non-lucratif œuvrant dans l’ensemble des domaines du social et pilotées directement par le gouvernement.
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Banguanfang zuzhi : « Organisations officielles ». Désigne ce que l’on appel aujourd’hui les GONGOs (GOuvernemental NGOs).
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Jijin hui : « Fondations ».
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Shequ jianshe : « Constructions communautaires ». Désigne les comités et services non-gouvernementaux proposant, en zone urbaine, une aide aux personnes âgées, aux enfants etc. Les « constructions communautaires » furent mises en place lors du lancement des réformes économiques afin de créer de nouvelles structures sociales basées sur les communautés et non plus sur les unités de travail.
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Feizhengfu zuzhi : « Organisations non-gouvernementales ». Ce terme était relativement peu employé il y a quelques années, « non-gouvernementale » évoquant l’idée d’« anti-gouvernementale ». Cet amalgame tend à s’effacer et l’emploi de ce terme est de plus en plus répandu.
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Shiye danwei : « Institutions non-commerciales ». Ces institutions, soumises à la législation sur l’enregistrement et la gestion des institutions non-commerciales, sont créées par le gouvernement et utilisent des fonds publics pour atteindre des objectifs scientifiques, éducatifs, culturels, de santé etc. Elles sont plus proches du gouvernement que du monde associatif.
Notre étude ne tiendra pas compte de ces termes. Nous nous baserons plutôt sur trois autres appellations ayant des statuts juridiques afférents et qui nous paraissent mieux décrire la réalité associative en Chine :
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Minjian zuzhi : « Organisations citoyennes » (littéralement : « organisations au sein du peuple »).
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Shehui tuanti : « Organisations sociales » : groupes de citoyens volontairement formés afin de réaliser un objectif commun et développer des activités à but non-lucratif.
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Minban feiqiye danwei : « Entreprises populaires non-commerciales » : organisations exerçant des activités de nature sociale et à but non-lucratif, gérées par une entreprise ou une unité de travail, par un groupe social ou des personnes privées.
Dans certains articles, les chercheurs étrangers traduisent les termes de shehui tuanti et minban feiqiye danwei par le mot d’ONG, ce qui nous parait inadapté. Effectivement le concept d’ONG est un concept purement occidental, voir seulement onusien. Or en Chine, les caractéristiques des organisations non-gouvernementales ne sont pas strictement identiques. Les chercheurs chinois sur la société civile emploient trois paramètres pour définir les organisations sociales indépendantes :
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1. Non-fondées par le gouvernement.
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2. A but non-lucratif.
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3. Volontairement formées.
La conception de la société civile n’est pas la même en Asie et en occident. En occident, la définition de la société civile s’inspire des sciences politiques. Acteur majeur des sociétés démocratiques, elles symbolisent parfois la confrontation entre la société et l’Etat pour la protection des droits de citoyens, prenant alors une dimension de plaidoyer (lobby). En Chine, au contraire, la société civile est vue comme une relation de coopération constructive entre l’état et la société, comme un intermédiaire entre ces deux entités. Elle est apolitique. Le confucianisme, qui anime depuis l’antiquité la pensée chinoise, explique cette différence. Effectivement cette philosophie ne considère pas la société et l’Etat comme deux entités séparées, et un bon citoyen est un individu qui obéit à son gouvernement et agit en faveur de la société dans laquelle il vit.
Afin de ne pas risquer de tomber dans une incompréhension culturelle et de prêter à la société civile chinoise des caractéristiques qui ne sont pas les siennes, nous avons choisi dans cette étude de traduire les trois termes de Minjian zuzhi, Shehui tuanti et Minban feiqiye danwei par les termes d’association, d’organisation sociale ou encore d’organisation à but non-lucratif.
Seuls deux de ces statuts ont une existence juridique : les organisations sociales (Shehui tuanti) et les entreprises populaires non-commerciales (Minban feiqiye danwei). Ces deux catégories regroupent plusieurs types d’associations, classées en fonction de leur mode d’organisation ou de leur domaine d’activité. Ainsi le terme d’organisation sociale peut définir les associations académiques, professionnelles ou de commerce aussi bien que des fédérations ou des fondations. Les entreprises populaires non-commerciales peuvent elles être divisées en dix catégories selon leur domaine d’activité : éducation, santé, culture, science et technologie, sport, social, services pour l’emploi, services juridiques etc (1).
Cependant, ce classement des organisations et associations en fonction soit de leur forme organisationnelle soit de leur domaine d’activité n’est as toujours bien clair. Nous allons analyser plus en détail leur histoire afin de mieux comprendre leurs définitions propres.
Les organisations sociales ont évolué à travers le temps. Au milieu de la décennie 80, le gouvernement créa des fondations et organisations de charité dites « non-gouvernementales » afin de pouvoir capter plus facilement des capitaux privés chinois et étrangers pour ensuite les investir dans des domaines publics tels que l’éducation ou la santé. Ce type d’organisation fut appelé organisations sociales, aucun autre terme plus adapté n’existant alors. Aujourd’hui les organisations sociales sont des groupes d’individus volontairement réunis autour de préoccupations variées, allant du club de calligraphie à l’association de défense de l’environnement.
Le statut d’entreprise populaire non-commerciale fut créée par le gouvernement en 1998 afin de fournir un statut légal et faciliter la gestion des entreprises privées à but non-lucratif. Effectivement, l’ouverture de la Chine et les réformes initiées en 1978 entraînèrent une forte augmentation des besoins de la population dans les domaines culturels, sociaux et économiques. Le gouvernement chinois ne possédait alors pas les ressources nécessaires pour répondre à cette demande massive. Les écoles publiques, les maisons de retraites gérées par l’état, le système de sécurité sociale et toutes les infrastructures de santé publique ne furent plus suffisantes pour répondre aux besoins de la population, et c’est alors que se créèrent de nombreuses institutions et entreprises sociales privées. Ce nouveau statut d’entreprise populaire non-commerciale semble avoir été créé afin de représenter les nouveaux fournisseurs de services sociaux, mais il reste extrêmement opaque. En 2006, le Ministère des Affaires Civiles considérait que le nombre de ce type d’entreprise atteignait environ un million sur la totalité du territoire, alors que seulement trois cent mille d’entre elles étaient officiellement enregistrées. Cette différence entre le nombre d’entreprises sociales enregistrées officiellement, c’est à dire ayant un statut légal, et le nombre de ces entreprises n’ayant suivi aucune procédure d’enregistrement est une des conséquences de la légalisation de 1998 qui régit leur statut et qui, comme nous le verrons, est relativement contraignante.
Notes
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(1) : Cf. « To serve the people: NGOs and the development of civil society in China », Ma Qiushi, pp.29.