Astrid Fossier, Paris, December 2007
Les « ONG gouvernementales » chinoises
Quel rôle les GONGO joueront-elles dans un avenir proche au sein de la société civile chinoise?
Les « ONG gouvernementales » chinoises
Quel rôle les GONGO joueront-elles dans un avenir proche au sein de la société civile chinoise?
L’Association Chinoise pour le Contrôle et la Prévention des Infections Sexuellement Transmissibles et du Sida (CASAPC, selon l’acronyme anglais) a été fondée en 1993. Elle est un exemple typique de ce que l’on peut appeler une GONGO, organisation non-gouvernementale gouvernementale, ou encore, pour refléter la terminologie chinoise, une ONG d’état.
Le statut de la CASAPC est celui de personne morale. Pour obtenir ce statut juridique, il faut remplir les quatre conditions suivantes :
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1) La personne morale doit être établie conformément à la loi ;
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2) Elle doit posséder les biens et les fonds nécessaires ;
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3) Elle doit avoir sa propre dénomination sociale ;
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4) Elle doit être en mesure d’assumer indépendamment sa responsabilité civile.
Ces quatre conditions correspondent exactement aux articles 3, 10.II, 10.V et 10,VI de la règlementation sur l’enregistrement et la gestion des organisations sociales de 1998.
L’association compte plus de 200 membres actifs, tous recrutés selon leurs compétences techniques ou professionnelles. Ce nombre élevé de membres s’explique par le fait que les activités de la CASAPC s’étendent sur la totalité du territoire. De nombreux membres travaillent dans des sortes d’associations-filiales ou dans d’autres associations telles que la China Foundation for AIDS Prevention.
Les actions de la CASAPC concernent plusieurs aspects de la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et du sida, passant par les campagnes de prévention de masse à la formation d’acteurs de la lutte contre le VIH/sida et aux relations avec des structures étrangères.
Dans le cadre de ses activités d’information et d’éducation, la CASAPC utilise différents supports pour toucher un maximum de personnes, diffusant ainsi des émissions télévisuelles mais aussi coopérant avec d’autres ministères comme par exemple celui des transports ferroviaires avec qui elle a initié une grande campagne d’information sur la ligne Pékin – Hong Kong, touchant plus de 100 000 personnes. A ces campagnes grand public s’ajoutent aussi des activités plus ciblées comme celles à destination des travailleurs migrants des grandes villes (diffusion d’information dans les « villages de migrants » nichés au cœur des grands centres urbains).
Les activités de formation de la CASAPC ont pour objectif de mobiliser le personnel du système de santé autour du thème des IST et du sida. Ces activités passent par la traduction en chinois du matériel internationalement utilisé en matière de prévention et de contrôle de l’épidémie de sida et par la formation du personnel médical à la prise en charge des patients. Des thématiques liées au VIH/sida telles que la prostitution ou l’usage de drogue sont également abordées. A cela s’ajoute, pour le personnel médical, la mise à disposition d’une information régulière grâce à la publication d’un bimensuel intitulé « Journal for China STD and AIDS Prevention and Control ».
Enfin, la CASAPC mène des activités de recherche et d’étude sur différents thèmes liés au sida, comme par exemple celui de l’éducation auprès des populations à risque. Ces études sont en majeure partie destinées à aider le gouvernement à développer de nouvelles politiques de santé publique, notamment auprès de ces groupes à risque.
Pour mener à bien ces activités, la CASAPC dispose de fonds ayant plusieurs origines. Nous n’avons pu obtenir d’informations précises sur le montant de ces fonds, mais leur origine est inscrite dans la constitution de l’association :
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1) Cotisations des membres.
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2) Donations émanant d’entreprises nationales ou de fonds privés.
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3) Subventions gouvernementales.
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4) Recettes des expositions, formations etc.
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5) Intérêts des fonds placés.
Cependant, et malgré la relative diversité de ces revenus, il semble que la majeure partie d’entre eux soit d’origine étatique, ce qui souligne la nature gouvernementale de l’association.
La CASAPC est effectivement ce que l’on peut appeler une GONGO. Elle tient lieu de paravent qu’utilisent les autorités chinoises pour communiquer sur le sida et mener leur travail de prévention. Sa nature gouvernementale est clairement exprimée dans la constitution de l’association. L’article 5 déclare ainsi que la CASAPC est dirigée par le Ministère de la Santé et que, conformément à l’article 5 de la règlementation sur l’enregistrement et la gestion des organisations sociales, son organisme de tutelle (unité professionnelle de référence) est le Ministère des Affaires Civiles. Les deux ministères les plus concernés par la gestion de l’épidémie de VIH sont donc représentés dans la gestion de la CASAPC, et ce notamment par certains de ses membres, issus de ces mêmes ministères ou de celui de la sécurité publique.
En plus de l’origine de ses membres qui facilite aux autorités chinoise le contrôle des activités de l’association, le gouvernement dispose d’autres leviers pour préserver l’adéquation entre l travail de la CASAPC et les directives gouvernementales. Ainsi l’article 39 de la constitution de l’association déclare que toute modification de cette même constitution devra être soumise au Ministère de la Santé dans les quinze jours suivants la réunion des membres et qu’elle ne pourra entrer en vigueur qu’après approbation par le Ministère des Affaires Civiles.
A peine sorti d’une politique de réforme et de restructuration couteuse de son administration, le gouvernement a pour objectif de rendre les GONGO plus indépendantes financièrement. Pour cela, il a entrepris plusieurs actions. Tout d’abord, il a baissé de manière significative le montant des fonds alloués à certaines d’entre elles. Cette politique, qui a pour but de rendre les GONGO indépendantes financièrement, a été appelée « sevrage en trois ans » (san nian duan nai). Cette mesure a entrainé la chute de nombreuses GONGO incapables d’être indépendantes financièrement, appauvrissant le secteur de l’aide.
Afin de ne pas souffrir de ces mesures, certaines GONGO ont décidé de renforcer elles-mêmes leur indépendance financière, d’être plus transparentes financièrement, d’améliorer leur gestion et d’accroitre leurs compétences. Cette démarche est très similaire de celle adoptée par les entreprise d’état faisant aujourd’hui face à la privatisation. Aujourd’hui, les ces organisations basent davantage leur légitimité sur leur travail et leur identité non-lucrative, et non plus sur leur statut gouvernemental.
Mais quelle influence peuvent avoir ces GONGO sur l’évolution de la société chinoise et de son gouvernement ? Nous avons vu que l’Association Chinoise pour le Contrôle et la Prévention des Infections Sexuellement Transmissibles et du Sida jouait un rôle de conseiller auprès du gouvernement. Ainsi, comme nombre d’autre GONGO, elle a permis d’initier des politiques que le gouvernement n’aurait pu concevoir sans son soutien. Le fait que nombre de ces associations intègre des réseaux internationaux offre la possibilité d’élargir le débat au sommet, voir même de faire évoluer la façon dont les autorités chinoises appréhendent certains phénomènes sociaux. Un des autres atouts que représente ces organisations semi-gouvernementales est leur capacité à soutenir des associations sociales plus indépendantes et actives au niveau local. Les GONGO peuvent ainsi servir d’unités professionnelles de référence aux associations pour leur enregistrement (même si c’est rarement le cas). Elles peuvent également leur apporter un précieux soutien en terme de visibilité et de gestion. La CASAPC en est un bon exemple. Effectivement, un de ses activité que nous n’avons pas mentionnée précédemment est d’animer un réseau d’organisations à but non-lucratif travaillant dans le domaine du sida. Ainsi, les GONGO peuvent être considérées comme un des éléments moteurs de la société civile chinoise, l’évolution de certaines d’entre elle vérifie cette assertion.
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