Concevoir la paix

La paix est vue comme un processus et non comme une finalité. La paix n’est pas la simple absence de guerre ou de conflit violent (paix négative), elle suppose également la recherche d’une justice sociale et la lutte contre toute violence structurelle (paix positive). Les actions en faveur de la paix doivent en outre tenir compte du contexte dans lequel elles interviennent et veiller à laisser la place aux dynamiques locales.

La paix comme processus

Il suit logiquement de l’approche du CINEP selon laquelle la sortie du conflit n’est possible que dans les conditions d’un changement structurel, notamment dans les relations entre les acteurs concernés par le conflit, que la paix est vue comme un processus et non comme une finalité. Cette approche s’appuie sur les concepts de paix négative et de paix positive de Johan Galtung qui témoignent d’une conception de la paix, holistique et en forme de processus :
"If the absence of war as we call it negative peace, the absence of violence would equate a positive peace, in the sense of social justice, harmony, satisfaction of basic needs (survival, welfare, identity and freedom), independence, dialogue, solidarity, integration and equity“ (Galtung).

Cette conception de la paix est généralement partagée par les organisations associées dans ce projet.

American Friends Society :
« Peacebuilding is much more than the end of war. Peacebuilding means to help members of the community and other stakeholders like government, the private sector, etc. to recognize the "interdependence" between themselves ».

Définir la paix par rapport au conflit amène à poser la question de la violence :
« Peace is not the opposite to conflict, as conflicts do not necessarily involve violence if they are handled constructively ».

Il est en effet central de comprendre que le conflit et la violence relèvent de 2 phénomènes bien distincts qui suivent des évolutions séparées : un conflit peut se développer sans jamais connaître de phase violente, tout comme un conflit peut entrer dans une phase violente puis en sortir sans pour autant être transformé et dépassé. Les 2 trajectoires de ces 2 phénomènes doivent donc être distinguées et analysées séparément. Ce qui permet de comprendre plus facilement que la paix positive exige de sortir non seulement de la violence mais aussi du conflit – soit-il non violent. L’étape intermédiaire étant théorisée comme une situation de « paix négative ».

La paix contextualisée

De façon récurrente, le contexte est mentionné comme un élément important dans ce processus qui exige que les actions dans et sur le conflit y soient adaptées. Le CINEP cite à ce propos John Paul Lederach :
« the concept of peace is formed and influenced by context, culture and the dominant politics from where it arises ».

L’action doit être déterminée par le contexte : en fonction des temporalités du conflit, des actions très différentes doivent être envisagées. Cette analyse rejoint celle de American Friends Society :
« One element (institution, value, experience, etc.) could be a “connector” in some scenarios, but in other cases the same element could play a role of “divider”. It depends of the conflict, the culture or the role in the community ».

Il s’agit d’enraciner l’action dans le contexte local.
« understanding of the local scenario and a starting point for a peace initiative ». (American Friends Society)

RéAct, dans l’approche développée par l’outil proposé, laisse émerger et fait une grande place aux dynamiques locales ; il s’appuie beaucoup sur l’existant et le local : la structuration sociale et notamment, la place que prennent les proverbes et les expressions imagées dans le discours. C’est ainsi que l’outil proposé aux acteurs du changement sur place est sans cesse ré-interprété avec les métaphores véhiculées par les proverbes.

Ainsi tous ces points soulignés par la plupart des organisations, convergent vers une idée formulée par Action for Conflict TRansformation : le besoin d’un cadre global (« integrated framework ») :
“Structure suggests the need to think comprehensively about the affected population and systematically about the issues. Process underscores the necessity of thinking creatively about the progression of conflict and the sustainability of its transformation by linking roles, functions, and activities in an integrated manner.” (Lederach, 1997:79)

Dans quelles conditions la transformation des conflits peut-elle avoir lieu ?
L’expérience des organisations conviées au projet fournit des réponses qui, si elles ne sont certainement pas exhaustives, sont pratiques et concrètes :

Une série d’outils qui aident à comprendre le conflit tout autant qu’à réunir ses acteurs, est proposée par Ecoweb :
 La visualisation du conflit avec une maquette : cet outil est particulièrement pertinent dans le cas des conflits fonciers. Il visualise les différends.
 Les généalogies permettent de comprendre les relations actuelles, et d’y trouver les causes, ancrées dans les relations des générations passées.
 Les rituels ont toujours eu pour fonction de rassembler et de faire partager des moments et des pratiques symboliques. En cela, ils régulent les relations sociales, contribuent à structurer les identités et offrir le liant dans la société. La spiritualité et la religion peuvent y contribuer mais plus largement la sphère des pratiques sociales est concernée. Le processus de transformation du conflit peut avantageusement s’appuyer sur les rituels existants.
 La créativité est centrale dans les processus de transformations sociales : elle doit être encouragée pour permettre aux individus touchés par le conflit d’être capables de se projeter dans un environnement différent de celui auquel ils étaient habitués.

RéAct dans ce même ordre d’idées souligne l’importance du symbolique : les victoires relèvent plus du domaine du symbolique ou sont davantage dues au symbolique qu’à l’efficacité concrète de l’action :
« c’est la simultanéité de l’action qui a eu pour effet d’exercer une pression et de faire fléchir la Socapalm plus que la menace que pouvait concrètement représenter la mobilisation ; que le réel pouvoir de déstabilisation ».
Dans ce même conflit, la large utilisation des proverbes pour exprimer la représentation symbolique du conflit est également soulignée.
La dimension symbolique du conflit ne doit pas être négligée, au même titre que la créativité pour permettre sa transformation.