Agir sur le conflit
L’action sur le conflit : les transformations sociales pour sortir du conflit
Sortir du conflit n’est possible que dans les conditions d’un changement structurel.
Une action sur le conflit sous entend :
- Transformer le conflit pour instaurer une paix durable,
- Sortir du paradigme de la violence,
- Prévenir l’émergence de la violence,
- Réduire l’asymétrie des rapports de force et permettre une négociation
D’après le CINEP, le changement qu’il est nécessaire d’impulser se fonde sur 3 dimensions distinctes : ce qui doit changer ; le rôle à jouer par les activistes et les organisations ; les phases du besoin de changement social. Cette approche repose sur la conviction que les logiques d’interactions entre les acteurs sont déterminantes pour les changements dans les dynamiques du conflit et les réalisations en termes de paix.
L’impact des initiatives de paix sur des situations de violence dépendra de leur capacité à modifier les relations entre les acteurs du conflit. Car ce sont ces relations qui perpétuent et recréent constamment les conditions du conflit. De la même manière, la sortie du conflit ne peut pas être pensée comme une série d’actes de bonne volonté mais comme autant de transformations du type de relations qui nourrissent le conflit. La paix est donc vue comme un processus et non comme une finalité : il faut favoriser une approche dynamique, en termes de processus et sortir des dichotomies : violence/paix ; acteurs violents/acteurs pacifiques ; actes violents/actes de paix.
En bref, agir sur le conflit revient à impulser un changement structurel.
American Friends Society partage ce besoin de transformation structurelle, notamment concernant les relations et les structures sous-jacentes aux injustices. C’est pourquoi ils centrent leur analyse sur les concepts de « connectors » (connecteurs) et « dividers » (diviseurs) qui s’inscrivent dans la même logique dynamique de transformation du contexte dans lequel le conflit se déroule.
La conception de l’action sur le conflit comme un processus retient également l’attention de Ecoweb qui va plus loin en précisant que ce processus ne saurait être linéaire mais plutôt sous la forme d’un réseau de sujets et de relations entremêlées. C’est pourquoi, pour agir sur un conflit, la réflexion, la créativité et la persévérance sont identifiées par Ecoweb comme des qualités indispensables.
En conclusion, l’organisation pense qu’un processus de transformation doit in fine proposer un périmètre sécurisé et utiliser le cadre temporel pour restaurer des relations de confiance.
Les conditions de la transformation résident dans l’analyse à faire des relations de pouvoir et des positions évoluant en fonction des intérêts, des besoins et des perspectives des acteurs directs et indirects du conflit. Cette analyse devra résulter dans l’identification de ces acteurs, directs et indirects, ainsi que des médiateurs et tiers intervenant, qui ont un intérêt à la résolution pacifique du conflit.
Ces principes sous-tendent l’action politique envisageable : dans le cas de Ecoweb qui travaille sur les conflits de ressources, cette expérience du terrain auprès de populations au cœur de conflits fonciers, leur permet de formuler des propositions précises en matière de politiques de ressources auprès des représentants du pouvoir, fondées sur les changements structurels énoncés.
Action for Conflict Transformation rappelle l’apport de John Paul Lederach : le concept de transformation des conflits répond avec davantage de réalité au caractère dynamique sans lequel les conflits sociaux ne peuvent être compris pleinement. Ce caractère dynamique tient principalement aux interactions entre les systèmes et les relations qui prennent la forme de paradigmes imbriqués, associant les sujets immédiatement perceptibles dans la crise aux conflits sous-jacents qui sous-tendent les relations, les sous-systèmes et le cadre systémique d’ensemble. Lederach construit sur cette base un « cadre intégré » pour la compréhension des conflits. Au-delà, les relations entre les anciens acteurs du conflit ne s’amélioreront pas automatiquement avec la fin de la violence : il existe une interdépendance entre ces 2 besoins – renoncer à la violence/sortir du conflit et reconstruire la confiance – qui fait que l’un ne progressera pas sans l’autre et il ne sera pas possible de supprimer les causes de tensions futures et de résurgence du conflit (Mitchell 2002).
RéAct interprète la transformation des conflits par le besoin d’une négociation équilibrée : étant entendu que la négociation ne peut assurer la sortie du conflit que dans les conditions d’un équilibre entre les acteurs du conflit, en particulier dans les cas de conflits assymétriques. La méthode qu’ils proposent repose sur une troisième voie de sortie du conflit en réponse à deux impasses : « la voie des illusions (stratégie naïve qui recherche la bienveillance de la partie adverse du conflit) et la voie des colères aveugles (la suite à l’échec de la première, elle résulte de l’exaspération des dominés et s’exprime en explosions sporadiques de violences) » (RéAct).
“Pas de négociation sans pouvoir, répond-il à la première impasse. Pas d’action sans perspective de négociation, répond-il à la seconde.”
La négociation équilibrée entre ses acteurs assure, selon le RéAct, la « transformation d’une frustration diffuse, née d’un intérêt floué, en une expression consistante de ces intérêts de manière à les concilier avec ceux de l’adversaire ». Dans ces conditions, la négociation cherche « une juste conciliation dans une situation d’asymétrie de pouvoir importante » :
« La notion de Batna [Best alternative to Negociated agreement] dans une définition extensive, met en avant la nécessité pour la partie la plus faible de construire une option alternative qui soit moins souhaitable à la partie adverse que l’obtention d’un accord. Il est la clé qui permet à la partie la moins dotée d’une négociation d’obtenir un accord favorable ».
En pratique, il s’agit de « trouver ce que peuvent faire les populations locales qui soit plus coûteux à l’entreprise que la satisfaction de ses intérêts ». « La nécessité pour cette partie de développer une capacité d’action collective susceptible de nuire à la partie adverse ».
La négociation devient un mode d’action – la « marche ultime » - pour transformer le conflit :
« On part de la colère, et on chemine jusqu’à la confrontation avec l’adversaire pour faire changer les causes de notre colère. L’escalier vise à mettre en avant la négociation comme finalité ultime. Il y a des intérêts en contradiction et seule une dynamique de négociation réelle entre ces intérêts pourra aboutir à une conciliation juste ».